L’aventurier Louis Margot se confie depuis le milieu du Pacifique,...
Lire l'articleQuand on compose les précieux chiffres sur notre portable, Louis Margot répond instantanément comme s’il était dans la pièce d’à-côté, tant la liaison satellitaire est excellente.
Or l’aventurier vaudois, magie de la technologie, se trouve au milieu de nulle part, progressant dans le Pacifique Sud depuis son départ de Lima, qu’il a quitté le 12 novembre dernier. «Rame, rame, rameurs, ramez», chantait déjà Souchon en 1980.
Comme on lui demande, dans un réflexe très occidental, quelle heure il est «chez lui», sur son bateau, il s’aperçoit que sa montre est toujours réglée sur l’heure péruvienne (13 h). «En réalité, corrige-t-il, il doit être midi ou 11 h. Chaque jour que j’avance vers l’ouest, je gagne des minutes. Mais je suis en train de perdre la notion du temps. Cinquante jours ou huitante jours de rame, c’est pareil.»
Louis Margot (32 ans), c’est l’homme d’Human Impulse, ce projet qu’il a initié – effectuer le tour du monde à la force musculaire en alternant vélo et rame – et qu’il est en train de réaliser. Plus de 50’000 km en traversant l’équateur et toutes les longitudes. Avec l’objectif d’abaisser le record actuel (5 ans et 11 jours) à moins de trois ans.
Parti des quais de Morges le 3 septembre 2023, il avait d’abord rejoint Portimão, au Portugal, à la force des mollets avant de se lancer dans une première traversée océanique (Atlantique), suivie de celle de la redoutable mer des Caraïbes avant d’enfourcher le gravel bike qui l’attendait à Santa Marta pour rejoindre, via la Colombie et l’Équateur, le Pérou, point de départ de sa 4e étape.
Alors le Pacifique, c’est comment? «Ce qui est le plus troublant, c’est son immensité qui nous dépasse. Rien qu’en regardant une carte, ça fait déjà tourner la tête. J’y suis surtout beaucoup plus seul, je ne croise personne. J’ai bien vu un ou deux bateaux sur mon radar, mais ils étaient à plus de 50 km. Non là, je suis vraiment seul avec moi-même.»
À travers les ondes, on le sent aussi déterminé que serein, peut-être même plus apaisé. «La peur a disparu, confirme-t-il. Je suis en paix avec moi-même. J’ai le sentiment d’être là où je devais être. Je ressens sur l’océan une sérénité qui n’existe pas sur la terre. On parle souvent de la plénitude rencontrée en montagne. Mais contrairement aux sommets, la mer bouge sans cesse… Quand on se retrouve au milieu de l’océan, la surface de l’eau renvoie le miroir de qui l’on est. Au lieu de faire peur, cette rencontre avec soi fait du bien à l’âme.»
Dans ce voyage intérieur qu’il est en train d’accomplir en guise d’introspection, qu’a-t-il déjà découvert de lui-même? «Certainement une meilleure version de moi-même! C’est toujours moi, mais en plus pur et moins influençable. J’ai renoncé à tout ce que je ne pouvais pas contrôler. J’ai parfois l’impression qu’en Suisse, on ne sait plus pourquoi on fait les choses, nos choix dépendant plus des autres que de nous-même. Qui nous a inculqué de nous comporter ainsi?»
Question existentielle à 12’000 km de distance, alors que s’entend le bruit des vagues. «Un autre Louis Margot est sans doute en train de naître. Je me sens mieux aligné par rapport à mes convictions. Dans nos sociétés stressantes, nos raisonnements dépendent trop souvent de tout ce qui peut les influencer.»
Loin du brouhaha des hommes, comment vit-il l’extrême solitude qui s’en dégage? «Sur ma planète, le monde des hommes n’existe plus, on oublie vite ce qu’est la vie sur terre. Je suis dans une autre dimension. Je vois l’eau et mon bateau, c’est tout.»
Au moment de notre conversation, la navigatrice Justine Mettraux, remarquable 8e du Vendée Globe, venait de boucler son tour du monde; lui poursuit le sien en direction des Marquises (Polynésie française), qu’il devrait atteindre dans six semaines.
Avant de reprendre la mer pour l’Indonésie (Bali), une halte conséquente est prévue dans l’île de Hiva Oa afin de laisser passer la saison des cyclones. Ce sera aussi l’occasion de refaire le plein de provisions – «j’ai pas mal tapé dans les friandises», précise-t-il avant de se réchauffer un poulet tikka masala.
S’astreignant à des journées bien remplies, Louis Margot progresse à raison de 50, 60 km quotidiennement, parfois davantage, suivant la météo et les courants.
«Une petite routine s’est installée. Je suis devenu une machine, réglée comme une horloge suisse! Je rame, je range mon bateau, je mange. Quand je ne rame pas, je vis dans ma tête.»
En guise de livre de chevet, il dévore l’Expédition du Kon-Tiki retraçant les aventures de Thor Heyerdahl et de ses compagnons s’étant lancé en 1947 le défi de rejoindre Tuamotu depuis le Pérou sur un radeau.
Le défi Human Impulse en est un autre, immense également. Est-ce aussi ce qu’éprouve celui qui en est l’instigateur? À entendre le galérien de Colombier (VD), tout serait d’abord une question de barrières mentales dont il convient de s’affranchir préalablement.
«Hormis celles que l’on se fixe, on a moins de limites que ce que l’on pense. Je suis convaincu que l’on peut réaliser des choses extraordinaires en étant quelqu’un d’ordinaire. Je me considère moi-même comme une personne lambda.» Voilà qui épouse l’une des théories d’Einstein pour lequel la pensée d’un homme dépasse celle de son imagination.
Le bleu du ciel, celui de l’océan, avec un horizon infini en guise de décor, voilà ce que vit le Vaudois quotidiennement. «C’est toujours la même chose mais ce n’est jamais tout à fait pareil en même temps.»
Vertige des sensations associé à celui de l’effort répétitif. «Les gens assimilent ce que je fais à de la souffrance pure. En vérité, ce sentiment-là s’estompe assez vite et après quelques semaines de rame déjà, ça va…»
Pour autant, faut-il être un peu timbré pour s’imposer un tel tour de force? «Plus j’avance et plus je me dis que ce que je fais est de moins en moins dingue. Qui est le plus fou entre moi et quelqu’un qui passe sa vie à faire un métier qu’il n’aime pas lui permettant d’acheter des objets dont il n’a pas l’usage?» La réponse se perd dans l’immensité du Pacifique.
Dans quelque temps, Jean-Richard et Karin Margot, ses parents, s’envoleront pour les Marquises afin d’y accueillir leur fils. Un voyage aussi cher (6000 francs) que long (plus de cinquante heures, via Tahiti). Louis a trouvé un moyen plus économique de s’y rendre. «On arrivera au même endroit mais on n’aura pas vécu la même aventure!»
Celle d’Human Impulse continue à coups de rames. Quand il aura atteint les rivages de Bali, Louis Margot retrouvera son vélo, direction Morges pour l’ultime étape (16’000 km) de son incroyable périple passant par le Pakistan, l’Iran, peut-être la Russie suivant l’itinéraire choisi.
«Les obstacles seront plus géopolitiques que sur l’eau. J’espère que je pourrais rentrer chez moi à vélo!», conclut-il en rigolant alors que son odyssée, loin de la banalité des jours ordinaires, nous invite à voyager et à le suivre par procuration.
S’il rame seul, Louis Margot peut compter sur le soutien efficace de son équipe à terre. Il y a là ses parents, des cousins, quelques amis de la famille encore. Tous se démènent afin de trouver de nouveaux partenaires et autres sponsors afin d’alimenter un budget qui, bien que réduit, n’est toujours pas couvert.
L’aventure Human Impulse se décline aussi sur les réseaux sociaux. Le Vaudois a vu le nombre de ses abonnés exploser. Ils sont plus de 150’000 à suivre aujourd’hui ses pérégrinations, à attendre chacune de ses capsules vidéo hebdomadaires postées en direct du grand large.
Dans le domaine pourtant stratégique de la communication, l’aventurier a néanmoins tenu à réduire la voilure. «Je me suis à dessein déconnecté du monde, explique-t-il. Je n’éprouve pas la nécessité de savoir ce qui s’y passe en permanence. Surtout lorsque l’on voit l’état actuel du monde, tous ces conflits… La troisième guerre mondiale éclaterait-elle que je ne serais pas au courant. Pour ne pas me disperser, j’ai besoin d’être dans ma bulle.»
Article : Nicolas Jacquier
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